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A dix heures, Neil et son père étaient assis en face du commissaire Brower et, l’air tendu, l’écoutaient rapporter sobrement le contenu de la note laissée par Malcolm Norton. « Norton était un homme amer et désabusé, dit Brower. D’après ce qu’il écrit, la modification des lois sur la protection de l’environnement va donner à la propriété de Mme Holloway une plus- value considérable. Lorsqu’il avait fait son offre à Nuala Moore, il était visiblement déterminé à la tromper en ne lui révélant pas sa valeur réelle. Ayant appris qu’elle était en train de changer d’avis à propos de cette vente, il est possible qu’il l’ait tuée. Il se peut aussi qu’il ait fouillé la maison pour essayer d’y trouver le testament révisé. »
Il reprit la lecture des explications laissées par Norton. « Il est clair qu’il accusait Maggie Holloway d’être la cause de tous ses déboires, et, bien qu’il n’en dise rien, il a peut-être voulu se venger sur elle. En tout cas, il s’est arrangé pour mettre sa femme dans un sacré pétrin. »
C’est impossible, pensa Neil. Il sentit la main de son père lui presser l’épaule, et voulut l’écarter. Il ne voulait pas que la compassion entame sa détermination. Il n’avait pas l’intention de baisser les bras.
Maggie n’était pas morte, il en était certain. Elle ne pouvait pas être morte.
« Je me suis entretenu avec Mme Norton, continua Brower. Son mari est rentré hier à l’heure habituelle, puis il est ressorti et n’a pas réapparu avant minuit. Ce matin, lorsqu’elle a voulu savoir où il avait passé la soirée, il n’a pas voulu lui répondre.
— Maggie ne connaissait pas vraiment ce Norton, fit remarquer Robert Stephens. Pour quelle raison aurait-elle accepté de le rencontrer ? Pensez- vous qu’il aurait pu la forcer à monter dans sa propre voiture et à se rendre à l’endroit où vous l’avez trouvée garée ? Et dans ce cas, qu’aurait-il fait de Maggie, et, ayant abandonné la voiture à cet endroit, par quel moyen serait-il revenu chez lui ? »
Brower secouait la tête tout en écoutant Robert Stephens parler. « C’est un scénario peu vraisemblable, je suis obligé de l’admettre, mais c’est une possibilité à considérer. Nous allons faire venir des chiens qui suivront la piste de Mme Holloway, et si elle est dans les environs, nous la retrouverons. Mais l’endroit où l’on a découvert sa voiture est très éloigné de la maison de Norton. Il aura fallu qu’il bénéficie de l’aide de quelqu’un d’autre, ou qu’il se fasse reconduire chez lui par un automobiliste, et franchement je ne crois à aucune de ces deux hypothèses. Cette femme dont il était amoureux fou, Barbara Hoffman, est partie chez sa fille dans le Colorado. Nous avons déjà vérifié. Elle y est depuis le début du week-end. »
L’interphone sonna, et Brower décrocha. « Passez-le-moi », dit-il au bout d’un instant.
Neil enfouit son visage dans ses mains. Mon Dieu, faites qu’ils n’aient pas découvert le corps de Maggie, implora-t-il silencieusement.
La conversation de Brower ne dura qu’une minute. Lorsqu’il raccrocha, il dit : « D’une certaine manière, je crois que nous avons une bonne nouvelle. Malcolm Norton a dîné hier au Log Cabin, un petit restaurant non loin de l’appartement où vivait Barbara Hoffman. Apparemment, Norton et elle s’y rendaient fréquemment. Le propriétaire nous a dit que Norton s’y est attardé jusqu’à onze heures passées, ce qui signifie qu’il est sans doute rentré directement chez lui. »
Et qu’il n’a presque certainement rien à voir avec la disparition de Maggie, pensa Neil.
« A partir de là, que comptez-vous faire ? demanda Robert Stephens.
— Interroger les personnes dont a parlé Mme Holloway, répondit Brower : Earl Bateman et Zelda Markey, l’infirmière. »
L’interphone retentit à nouveau. Après avoir écouté sans faire de commentaire, Brower reposa le récepteur et se leva. « J’ignore à quel jeu joue Bateman, mais il vient de téléphoner pour déclarer qu’un cercueil a été volé la nuit dernière dans son musée funéraire. »